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La Petite Châtelaine

La Petite Châtelaine La Petite Châtelaine

La Petite Châtelaine

1892 - 1893 H. 32,3 cm • L. 28,9 cm • Pr. 21,2 cm Origine : Achat à Reine-Marie Paris en 2008 N° d'inventaire : 2010.1.12 Copyright : Marco Illuminati


Pendant l’été 1892, Camille Claudel réalise, lors d’un séjour au château de l’Islette à Azay-le-Rideau, le portrait de Marguerite Boyer, petite fille des propriétaires alors âgée de six ans. Alors qu’Auguste Rodin travaille au monument à Balzac, il fait plusieurs voyages en Touraine à la recherche de documentation, mais aussi d’un modèle vivant qui puisse poser pour le portrait de l'écrivain. Camille Claudel l'accompagne lors de ces voyages, puis, en 1892, séjourne seule à l'Islette.

Terminée en 1893, la première version en plâtre de ce buste est exposée au Salon de la Libre esthétique à Bruxelles en 1894 sous le titre La Contemplation, puis la même année à Paris au Salon de la Société nationale des beaux-arts sous le nom de Portrait d’une petite Châtelaine. Cette œuvre rencontre un tel succès que Camille Claudel en réalise plusieurs versions en plâtre, en bronze et en marbre.

Les critiques de l’époque insistent sur la nouvelle dimension que prend l’œuvre de Camille Claudel avec ce buste. La petite fille est représentée le regard inquiet et interrogatif, ce qui la distingue des portraits d’enfants traditionnels et anecdotiques présentés chaque année au Salon. Ce regard renvoie à un questionnement universel qui fait de ce buste bien plus qu’un portrait fidèle. Ainsi, Camille Claudel affirme sa modernité et son appartenance à la sphère des artistes symbolistes.

Jeune Romain

Jeune Romain

Jeune Romain

vers 1882 H. 51,5 cm • L. 45 cm • Pr. 28 cm Origine : Dépôt du Département de l'Aube N° d'inventaire : 1J 1662 Copyright : musée Camille Claudel / Marco Illuminati

Paul Claudel (1868-1955), frère de l’artiste, écrivain et diplomate.


Camille Claudel vient probablement d’arriver à Paris lorsqu’elle modèle ce portrait de son frère Paul, alors âgé de 13 ans. Confident et fidèle compagnon de jeux, Paul est aussi son premier modèle et la personne qu'elle a le plus souvent représentée. Les lèvres serrées, le regard au loin, Paul affiche un air sérieux qui détonne avec son jeune âge, et le drapé qui entoure les épaules lui confère une certaine solennité.

Dès le début de sa carrière, Camille Claudel affirme son talent de portraitiste et sa capacité à saisir la psychologie du modèle. Elle conjugue ici toute la puissance évocatrice de l’Antiquité romaine, et surtout de la Renaissance florentine. En effet, malgré son titre, ce portrait évoque bien les bustes italiens de la première Renaissance italienne que Claudel a étudiés au musée du Louvre. La forme du buste reliquaire, c’est-à-dire coupé aux épaules, l’admirable étude du drapé, et même ici la bichromie sont des références directes à cette période. En cela, elle s’inscrit dans le mouvement néo-florentin de son époque, inspiré par la Renaissance italienne du XVe siècle : on peut y voir une probable influence de Paul Dubois, chef de file de ce mouvement. Cependant, Claudel demeure dans une veine naturaliste et une exploration psychologique qui lui sont propres.

Ce buste témoigne de l’affection mutuelle que se portent le frère et la sœur. Une vingtaine d'années plus tard, le buste de Paul Claudel à 37 ans redit cette relation intacte, ces échanges artistiques féconds entre le célèbre écrivain et la sculptrice.

L’Implorante ou Le Dieu envolé

L’Implorante ou Le Dieu envolé

L’Implorante ou Le Dieu envolé

Vers 1895 H. 72 cm ; L. 56 cm ; P. 38 cm Origine : Achat avec l’aide de l’Etat (Fonds national du patrimoine), de la Région Grand Est (Fonds régional d’acquisition pour les musées), du Département de l’Aube, des Amis du musée Camille Claudel et de Jean-Eudes Maccagno N° d'inventaire : 2021.1.1 Copyright : Abril M. Barruecos


Ce plâtre patiné est un jalon dans l’élaboration de L’ Âge mûr, situé entre Le Dieu envolé attesté en 1894 (aujourd’hui perdu) et L’Implorante du groupe exposé en 1899. On y reconnaît le traitement subtil de l’anatomie de l’œuvre finale, les os et les tendons saillants, le ventre arrondi, mais les formes sont plus douces. Le très beau mouvement de L’Implorante est déjà trouvé : le genou droit est avancé et la torsion du corps se prolonge dans l’inclinaison de la tête. Cependant, le torse est encore droit, les bras tendus à la verticale. Claudel n’a pas encore incliné sa figure pour l’intégrer dans la diagonale qui structure le groupe. Malheureusement lacunaires en raison des dégradations subies par l’œuvre avant sa redécouverte en 1986, les mèches de cheveux s’enroulant autour du bras évoquent les chevelures fantastiques d’autres œuvres de l’artiste, Clotho, La Petite Châtelaine de Roubaix ou Tête d’Hamadryade.

 

Femme accroupie

Femme accroupie Femme accroupie Femme accroupie

Femme accroupie

vers 1884-1885 H. 37,5 cm • L. 37,5 cm • Pr. 24,5 cm Origine : Achat à Reine-Marie Paris en 2008 N° d'inventaire : 2010.1.2 Copyright : musée Camille Claudel / Marco Illuminati


Femme accroupie est réalisée vers 1884-1885 par Camille Claudel, âgée d’une vingtaine d’années. L’œuvre en plâtre est patinée d’une couleur chair aux reflets nuancés de verts bleutés. Elle représente une femme tout en chair, accroupie et recroquevillée sur elle-même. Le chignon tressé, savamment entrelacé, peut absorber un moment l’attention de l’observateur et susciter son admiration.

Adultes et enfants cherchent spontanément à voir le visage caché dans ses bras, perceptible d’un seul point de vue. Avant même de décrire l’œuvre, ils prêtent à cette femme des sentiments comme la tristesse, la peur, la honte. D’après eux, cette femme se cacherait pour se protéger.

Des enfants ingénus tentent de prendre la pose. Ils se mettent accroupis et se cachent. Mais la posture n’est pas si aisée. Les deux mains sont jointes au-dessus de la tête. Les bras parallèles enferment le visage. Observer ce dos arrondi, avec cette colonne vertébrale saillante permet d’en comprendre toute la complexité. Le personnage est penché, en torsion. La pose est en réalité très difficile à imiter, d’autant plus que les pieds reposent complètement sur la fine terrasse de la sculpture. Une autre tentative, plus proche de la posture de la Femme accroupie, crée des déséquilibres. La chute est proche. Camille Claudel aime incontestablement éprouver l’équilibre de ses personnages.

La torsion et le déséquilibre dépassent la simple prouesse technique et semblent témoigner d’une douleur intérieure extrême. En 1898, Mathias Morhardt, critique d’art, transcrit dans un texte toute l’émotion exprimée dans l’œuvre : « Cette étude est un admirable morceau de nu. Les bras, le dos, le ventre sont d’une souplesse où la vie frémit ».

Jeune Fille lisant

Jeune Fille lisant

Jeune Fille lisant

vers 1880 Origine : Don de Reine-Marie Paris de La Chapelle en : 2008 N° d'inventaire : 2010.1.28 Copyright : Marco Illuminati


Dédicacée « à Camille Claudel, en souvenir d’A. Boucher », cette statuette témoigne de l’importance de l’auteur dans la formation de la sculptrice. Camille Claudel a fait la connaissance d’Alfred Boucher alors qu’elle vivait à Nogent-sur-Seine, entre 1876 et 1879. Elle avait commencé à modeler la terre en complète autodidacte et le jeune artiste lui a prodigué un premier enseignement. Après son installation à Paris, Claudel s’est inscrite à l’académie Colarossi mais, en parallèle, elle a loué un atelier rue Notre-Dame-des-Champs avec d’autres jeunes artistes. Boucher y est venu régulièrement corriger leurs travaux, jusqu’à son départ pour Florence à l’automne 1882. C’est peut-être à l’occasion de son départ pour l’Italie qu’il a offert la statuette à son élève.L’âge du modèle et le livre ouvert évoquent l’adolescente Camille Claudel, décrite par Mathias Morhardt comme une « lectrice passionnée des poèmes d’Ossian ». Cependant, les traits du visage ne ressemblent pas aux photographies de la jeune fille. Ils évoquent la physionomie d’Elise Viat, la future épouse d’Alfred Boucher mais, née en 1850, celle-ci semble trop âgée au moment de la réalisation de l’œuvre. Dès lors, l’identification du modèle de la Jeune fille lisant reste un mystère.

L'Éternelle Idole

L'Éternelle Idole

L'Éternelle Idole

vers 1889 73,2 cm •; L 59,2 cm • P 41,1 cm Origine : Dépôt du musée Rodin (Paris) en 2017 N° d'inventaire : S.3136 Copyright : musée Rodin, Paris / Christian Baraja


Ce couple fait écho au Sakountala de Camille Claudel par sa composition montrant un homme agenouillé aux pieds de son amante. Cependant, là où Claudel exprime la confiance mutuelle et la fusion des amants s’abandonnant à une passion partagée, l’homme est représenté par Rodin dans une attitude de supplication et la femme esquissant un geste de retrait. Le groupe peut être vu comme l’évocation de la relation tumultueuse qui a uni Rodin et Claudel. En 1886, alors que celle-ci avait pris ses distances en partant en Angleterre sans lui, dévoré par la passion, le sculpteur écrivit ainsi une lettre suppliante à celle qu’il appelait « [sa] féroce amie ». Il concluait par cette imprécation qui pourrait émaner du protagoniste de L’Eternelle Idole : « Ah ! divine beauté, fleur qui parle, et qui aime, fleur intelligente, ma chérie. Ma très bonne, à deux genoux devant ton beau corps que j’étreins. »

À la terre

À la terre À la terre À la terre

À la terre

Vers 1891 H. 190 cm • L. 213 cm • Pr. 136 cm Origine : Dépôt de la ville de Sainte-Savine N° d'inventaire : D2017.6.1 Copyright : Musée Camille Claudel


Au musée, la salle dédiée à la représentation des travailleurs atteste de l’intérêt des sculpteurs pour ce thème à la fin du XIXe siècle. C’est là que se trouve À la terre, sculpture en plâtre d’Alfred Boucher représentant un terrassier penché, concentré sur sa tâche, fixant la terre qu’il soulève avec une pelle au manche légèrement courbé.  Ces ouvriers étaient alors nombreux dans les rues pour participer aux travaux d’urbanisme.

Aucun visiteur ne reste indifférent à cette sculpture imposante par sa taille. Le corps de ce travailleur impressionne les enfants qui avancent les hypothèses les plus saugrenues pour expliquer son étonnante nudité. Mais non, l’homme n’est pas pauvre, il n’a pas trop chaud et les habits existaient bien à cette époque ! Alfred Boucher a choisi le nu afin de mettre en avant la musculature  de ce corps. Les veines saillantes attirent l’attention sur l’effort fourni. D’autres détails accentuent cette robustesse : le visage hiératique ne trahit pas l’effort et semble montrer que rien ne détournera l’homme de sa besogne, l’arrière des genoux ainsi que les mollets sont frappants de précision. Le sculpteur rend ainsi hommage à l’ensemble des travailleurs, tout en montrant sa parfaite maîtrise de l’anatomie acquise à l’école des beaux-arts de Paris.

À la terre a été exposé au Salon des artistes français de 1891, remportant alors une médaille d’honneur et bénéficiant de critiques pour la plupart élogieuses. Ce succès valut à la sculpture une édition en bronze un peu différente : destinée aux intérieurs bourgeois, une ceinture cache pudiquement les parties intimes du terrassier. Le tronc, destiné à renforcer la sculpture en plâtre, est absent de cette édition.

Alfred Boucher a réutilisé la figure du terrassier pour un bas-relief destiné au piédestal du monument en hommage à Eugène Flachat. Torse nu, l’ouvrier est alors plus crédible en pantalon et sabots pour témoigner de son rôle indissociable de celui de l’ingénieur.

 

La Misère

La Misère La Misère

La Misère

1884 - 1894 H. 38,5 cm • L. 26 cm • Pr. 16 cm Origine : Achat en 2012 N° d'inventaire : 2012.1 Copyright : musée Camille Claudel / Marco Illuminati


La Misère a été réalisée entre 1884 et 1894 par Jules Desbois, sculpteur qui a été praticien d’Auguste Rodin et l’a assisté.

Au-delà d’une simple représentation de vieille femme, l’œuvre est une allégorie de la misère, comme en témoignent le titre et le corps flétri par le temps, que la femme tente désespérément de cacher. Absente, la personne se recroqueville, car le seul tissu qu’elle possède désormais est un haillon qui ne peut plus la couvrir. Lorsque vous viendrez au musée, contemplez cette vieille femme. Vous discernerez sous ce reste de chair le squelette du personnage. Et vous trouverez la femme émouvante.

Le modèle de La Misère se nommait Maria Caira, était italienne et a également posé pour Auguste Rodin et Camille Claudel. Il y eut des légendes autour d’elle. C’est probablement Rodin qui l’a recommandée à Desbois, mais l’inverse, plus contestable, a également été avancé. Une version aussi amusante qu’invraisemblable est contée par Octave Mirbeau : le modèle de 82 ans serait venu d’Italie à pied voir son fils une dernière fois. Ces hypothèses témoignent surtout de l’intérêt que suscite la personne cachée derrière les personnages incarnés.

Enfants et adolescents emploient régulièrement le terme « bizarre » lorsqu’il leur est demandé ce qu’ils pensent de La Misère. Pourquoi le sculpteur représente-t-il une personne qu’ils jugent repoussante ? Ils ne conçoivent pas qu’une œuvre puisse être belle parce qu’elle exalte la vieillesse avec une telle justesse. En regardant cette sculpture, l’affirmation de Rodin rapportée par Paul Gsell, critique et écrivain, prend tout son sens : « Ce qu’on nomme communément laideur dans la nature peut dans l’art devenir d’une grande beauté. » L’art est effectivement l'une des manières de saisir la beauté de la vieillesse.