Au temps de Camille Claudel, être sculptrice à Paris


Exposition temporaire - 13 septembre 2025 - 4 janvier 2026


© Going Design

Depuis sa redécouverte dans les années 1980, Camille Claudel a inspiré de grandes expositions monographiques. Sa renommée est aujourd’hui telle qu’elle pourrait laisser croire, à tort, qu’elle était la seule femme sculpteur de son époque. Pourtant, autour de 1900, bien d'autres ont suivi le même chemin qu’elle et, malgré les obstacles liés à leur condition de femme, se sont illustrées dans le domaine de la sculpture. À l’automne 2025, ces sculptrices de premier plan sortent de l’ombre !


Cette exposition inédite, coproduite par le musée Camille Claudel, le musée des Beaux-arts de Tours et le musée de Pont-Aven, réunit les créations de plusieurs sculptrices de premier plan : Charlotte Besnard, Marie Cazin, Madeleine Jouvray, mais aussi Jessie Lipscomb, Agnès de Frumerie ou encore Anna Bass, Jane Poupelet et bien d’autres. Françaises ou étrangères, souvent filles ou épouses d’artistes, elles ont été les camarades d’atelier, les amies, ou parfois les rivales de Camille Claudel. Certaines l’ont précédée, d’autres lui ont succédé. Grâce à des prêts nationaux et internationaux, près de 90 objets – sculptures, mais aussi portraits peints, dessinés ou photographiés des sculptrices, ainsi que photographies et correspondances – redonneront vie à l’entourage artistique féminin de Camille Claudel, depuis ses débuts dans le Paris cosmopolite des années 1880 jusqu’à son internement en mars 1913.

À quelles formations artistiques les femmes avaient-elles accès en ce tournant du XXe siècle ? Quelles stratégies les sculptrices ont-elles déployées pour se faire une place dans ce milieu dominé par les hommes ? Quelles relations Camille Claudel a-t-elle entretenues avec ses contemporaines ? Et quels rôles occupaient ces artistes au sein de l’atelier d’Auguste Rodin ? Autant de questions éclairées par l’exposition.

Cette exposition a reçu le label « Exposition d'intérêt national » du ministère de la Culture.

 

Œuvres phares de l'exposition 

Marie Cazin, Jeunes filles, plâtre, musée des Beaux-arts de Tours
Marie Cazin, Jeunes filles, plâtre, musée des Beaux-arts de Tours © musée des Beaux-Arts de Tours, photo D. Couineau
Camille Claudel (1864-1943), Louise Claudel, vers 1886, pastel, musée Camille Claudel
Camille Claudel (1864-1943), Louise Claudel, vers 1886, pastel, musée Camille Claudel © musée Camille Claudel, photo Christian Moutarde
Madeleine Jouvray, Danaïde, premier tiers du XXe siècle, marbre, 19 x 33,2 x 21 cm, collection particulière
Madeleine Jouvray, Danaïde, premier tiers du XXe siècle, marbre, 19 x 33,2 x 21 cm, collection particulière © Philippe Migeat
Agnès de Frumerie, La Lutte pour l’existence, grès flammé, Stockholm, Nationalmuseum
Agnès de Frumerie, La Lutte pour l’existence, grès flammé, Stockholm, Nationalmuseum © Nationalmuseum, Stockholm, photo Linn Ahlgren
Jane Poupelet, Imploration, bronze, collection particulière
Jane Poupelet, Imploration, bronze, collection particulière

 

Marie Cazin, Jeunes filles ou Jeunesse

La vie et la carrière de Marie Cazin sont assez mal connues et les informations sur l’artiste se glanent au détour des articles consacrés à son mari, Jean-Charles Cazin, considéré comme le « maître » de leur famille d’artistes. Au début des années 1870, le couple et leur fils Michel s’installent à Londres où Marie Cazin aurait peut-être reçu les leçons de sculpture de Jules Dalou. De retour en France, elle expose au Salon des Artistes français où ses envois sont appréciés par la critique. En 1886, son double buste en plâtre Jeunes filles est récompensé d’une médaille d’honneur. La sculptrice y représente deux femmes coiffées d’un chignon et vêtues d’amples robes qui laissent leurs bras dénudés. Celle de droite, légèrement en retrait, tient sa compagne par le bras et pose délicatement sa tête sur son épaule, dans une attitude empreinte de tendresse. Selon l’historienne de l’art Anne Rivière, il pourrait s’agir d’un portrait de sa sœur et de l’artiste elle-même, toutes deux en blouse de travail. 

 

Camille Claudel, Louise Claudel 

Si le pastel représentant Louise Claudel s’inscrit dans la série des portraits des proches de l’artiste, il se singularise par ses dimensions – deux fois plus grandes que celles de ses autres œuvres graphiques –, sa technique et le traitement du dessin. Il s’agit du seul dessin au pastel connu de l’artiste, et du seul portrait dessiné dans lequel elle a élaboré un fond figuratif, de style japonisant. La figure modelée à la craie blanche s’intègre à un décor travaillé en aplats, esquissant des motifs de grandes fleurs. Les ombres sont subtilement rendues par les réserves du papier crème. Le noir est appliqué aux cheveux, aux sourcils et aux yeux, ainsi qu’au contour de la silhouette, qui se détache ainsi nettement du fond. Ce travail remarquable a été comparé par Mathias Morhardt, le premier biographe de la sculptrice, aux œuvres du peintre impressionniste Édouard Manet : « Il ferait surtout par la douceur, l’ampleur et l’énergie du modelé, songer à quelques-unes des œuvres de la meilleure période de Manet (…) » (« Mademoiselle Camille Claudel », Le Mercure de France, 1898). 

  

Madeleine Jouvray, Danaïde

Vers 1883, Madeleine Jouvray devient élève et praticienne dans l’atelier d’Auguste Rodin. Plusieurs de ses sculptures font directement référence, soit par leurs thèmes, soit par leurs choix formels, aux œuvres de son maître. Vingt-cinq ans après lui, elle exécute à son tour une Danaïde. Leurs traitements plastiques diffèrent cependant. Repliée sur elle-même dans une posture fœtale, celle de Jouvray semble encore enchâssée dans la matière. Le corps, à peine dégagé du marbre, paraît lutter pour exister, comme suspendu entre apparition et disparition. Cette forme presque close sur elle-même confère à l’œuvre une tension intérieure qui rompt avec la tradition académique et donne à voir une figure mythologique figée dans une impossible délivrance. Pour sa Danaïde, Rodin privilégie quant à lui la sensualité fluide, portée par un modelé souple et une ligne continue qui guide le regard de la chevelure défaite aux courbes du corps alangui.

 

 Agnès de Frumerie, La Source d’or ou La Lutte pour l’existence

La suédoise Agnès de Frumerie, active à Paris entre 1892 et 1934, s’illustre par une production prolifique, notamment dans le domaine de la céramique d’art. Aux côtés d’Edmond Lachenal, céramiste renommé de son temps, elle réalise plusieurs œuvres couronnées de succès. Ensemble, ils la frontière entre arts décoratifs et sculpture, comme en témoigne cette grande stèle en grès émaillé, sans conteste la pièce la plus spectaculaire issue de leur collaboration. L’intensité dramatique de la scène et les corps enchevêtrés surgissant de la matière brute évoquent La Porte de l’Enfer d’Auguste Rodin. Les figures se dégagent progressivement du fond, animées par une palette de verts et de crèmes qui contraste avec la gravité du sujet. Au premier plan, deux groupes de figures accablées ; seul un homme debout lève le poing, dans un geste de défi autant que de désespoir. Derrière eux, une foule indistincte tend les bras vers la source ruisselante, symbole d’une quête effrénée et vaine de richesse.

 

Jane Poupelet, Imploration  

Très célèbre de son vivant, Jane Poupelet fait partie de la « bande à Schnegg » – ce groupe d’artistes qui renouvelle la sculpture en revenant à l’épure et à la simplicité des formes. Lors d’un voyage autour du bassin méditerranéen en 1904-1905, elle découvre la statuaire antique qui influence ses nombreux nus féminins au modelé souple et synthétique. Imploration, présentée dans sa version en bronze en 1928, est sa dernière sculpture. En supprimant tout ce qu’elle juge superflu et accessoire, l’artiste en vient à livrer une métaphore de l’imploration représentée par une femme acéphale. Par son titre, elle évoque irrésistiblement L’Implorante de Camille Claudel. Ce rapprochement fonctionne d’autant plus qu’une photographie, publiée en 1916 par The New York Times, montre Jane Poupelet travaillant à une première version d’Imploration où la figure possède encore sa tête projetée en arrière. 

 

 

Les sculptrices   

Cette exposition événement rassemble les œuvres emblématiques de 18 sculptrices reconnues de leur vivant et méconnues aujourd'hui : Anna BassCaroline Benedicks-Bruce, Charlotte Besnard, Marie Cazin, Camille Claudel, Laure Coutan-Montorgueil, Sigrid af Forselles, Agnès de Frumerie, Jeanne Itasse-Broquet, Madeleine Jouvray, Jessie Lipscomb, Ottilie Wallace Maclaren, Ruth Milles, Blanche Moria, Jane Poupelet, Yvonne Serruys, Marguerite Syamour et Laetitia de Witzleben.

Blanche Moria (1859-1926)
Blanche Moria (1859-1926)
Charlotte Besnard (1854-1931)
Charlotte Besnard (1854-1931)
Yvonne Serruys (1873-1953)
Yvonne Serruys (1873-1953)
Agnès de Frumerie (1869-1937)
Agnès de Frumerie (1869-1937)
Jeanne Itasse-Broquet (1865-1941)
Jeanne Itasse-Broquet (1865-1941)
Anna Bass (1876-1961)
Anna Bass (1876-1961)
Jane Poupelet (1874-1932)
Jane Poupelet (1874-1932)
Laure Coutan-Montorgueil (1855-1915)
Laure Coutan-Montorgueil (1855-1915)
Marguerite Syamour (1857-1945)
Marguerite Syamour (1857-1945)
Ottilie Maclaren (1875-1947)
Ottilie Maclaren (1875-1947)

 

 

Rendez-vous autour de l'exposition  

Week-end d’ouverture - les 13 et 14 septembre 2025 

  • Samedi 13 septembre à 14h30 : visite de l’exposition avec les commissaires de l’exposition
  • Samedi 13 septembre à 17h : projection du documentaire Camille Claudel, sculpter pour exister au cinéma Lumière de Nogent-sur-Seine, suivie d’une discussion avec la productrice, la réalisatrice et la conseillère scientifique du film

Journées européennes du patrimoine - les 20 et 21 septembre 2025

  • Visite théâtralisée “Impromptu Les Causeuses” avec la compagnie Le Hasard n’a rien à se reprocher 
  • Visites flash de l’exposition 
  • Atelier de pratique artistique autour de l’exposition

Journée d’étude - 9 octobre 2025  

Week-end de clôture de l’exposition - les 3 et 4 janvier 2026 

  • Samedi 3 janvier à 15h : performance de danse avec la compagnie La Poétique des signes
  • Dimanche 4 janvier : concert hommage aux compositrices contemporaines de Camille Claudel avec Présences compositrices 

 

Infos pratiques  

Plein tarif : 10€
Tarif réduit : 6€
Gratuité : le 1er dimanche du mois pour les individuels, et chaque jour pour les étudiants et jeunes de moins de 26 ans, le personnel scientifique des musées, les titulaires du Pass Education, d'une carte ICOM, de presse, ou du ministère de la Culture, les demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RSA ou du minimum vieillessen, mutilés de guerre et leur accompagnateur, les visiteurs en situation de handicap et leur accompagnateur.

 

Horaires 

Du 13 septembre au 31 octobre 2025
du mardi au dimanche, de 10h à 18h

Du  2 novembre au 31 décembre 2025 et du 2 au 4 janvier 2026
du mercredi au dimanche, de 10h à 17h  

 

S'y rendre en voiture  

Situé à 1h20 de Paris, le musée Camille Claudel bénéficie de grands axes routiers rejoignant

  • Paris par l’A5 – sortie n°18,
  • Troyes par la D619 (1h),
  • Reims par la D951 (1h45),
  • Sens par la D939 (45 min),
  • Provins par la D619 (20 min).

 

S'y rendre en train 

Nogent-sur-Seine se trouve à une heure de Paris, Gare de l’Est.
Le musée Camille Claudel se situe à 
dix minutes à pied de la gare ferroviaire.

 

Stationnement 

Le parking Fournier, situé à 3 minutes de marche du musée, est gratuit sans limite de temps.

 

 

À propos du musée Camille Claudel 

Camille Claudel vivait à Nogent-sur-Seine avec sa famille lorsqu’elle affirma, encore adolescente, sa vocation d’artiste. Elle y rencontra le sculpteur Alfred Boucher qui comprit ses dispositions exceptionnelles, l’encouragea et sut la conseiller dans son apprentissage. Ce lien de l’artiste avec la commune a conduit à l’ouverture, en mars 2017, du musée Camille Claudel, aménagé dans un bâtiment intégrant la maison familiale. Le musée abrite la plus riche collection publique dédiée à Camille Claudel, avec 45 œuvres permettant d’explorer toutes les étapes et facettes de sa carrière. Elle s'intègre à un parcours plus vaste regroupant 200 sculptures, qui propose une immersion dans la sculpture française entre 1880 et 1914. Le musée ne possède qu’une seule sculpture réalisée par une femme autre que Camille Claudel : un buste en plâtre dû à Lucienne Gillet, une artiste et une œuvre pour lesquelles très peu de documentation est connue. Or, Camille Claudel était loin d’être la seule artiste talentueuse de son époque. C'est précisément ce que met en lumière l'exposition Au temps de Camille Claudel, être sculptrice à Paris, en rendant hommage à celles qui, autour de 1900, ont elles aussi su se faire une place dans le monde de la sculpture.

 

Prochaines étapes de l'exposition